DE LA METHODE
Un électron-idée passe dans mon esprit, percute mon électron-orgueilleux et me voilà sure de mon destin, de mes choix. Le hasard me guide. Le hasard se sert de moi. Je ne suis qu’une caisse de résonance des mouvements aléatoires d’électrons libertaires. Quand je suis devant ma toile blanche, je vois des tableaux merveilleux, des couleurs extraordinaires, je vois un certain absolu. Je prends mon pinceau indomptable qui malgré ma volonté se dirige seul sur la surface immaculée. Hasard ou Dieu malveillant ? L’œuvre se dérobe à moi, elle échappe à mon contrôle. Plus je peins, plus je ne suis pas dans mon absolu mais dans mon humaine lourdeur, dans ma collante réalité, dans mon style.
J’essaye de me concentrer, de m’appliquer, d’atteindre un hypothétique état de grâce où ma main et mon esprit seraient guidés par le mystère de la création, par un heureux hasard, par un Dieu bienveillant. Seul égaré dans un monde que j’appréhende bien mal, seul avec mes croyances esthétiques issues des aléas de ma vie, seul sans racine artistique, sans réels Maîtres, sans écoles, sans bases techniques, seul, je poursuis un absolu flou et fou.
Je reprendrais les dires de Verdi à la comtesse Maffei le vingt octobre mille huit cent seize « Copier le vrai peut-être une bonne chose, mais inventer le vrai est beaucoup mieux encore. »
Fuir… Echapper au piège, où toute époque se perd, où tout homme se morfond. Ailleurs, il est peut-être des soleils inconnus, des rêves jamais osés, et des tendresses nouvelles. Ailleurs, il est peut-être des sources que nous ne savons plus, où étancher cette soif qui nous dessèche l’âme. Ailleurs, il est peut-être des lieux, comme des extases sublimes, qui nous délivreraient du malheur de la chute dans l’espace et le temps. Ailleurs… Espoir sans espérance. Illusions désillusionnées. Croyances sans dieux.